Depuis le lancement des Verticales de l’Été. Dans les derniers épisodes, je vous ai emmenés à la rencontre de figures fortes : Jean Vilain et ses réflexions sur le monde d’aujourd’hui (Vlog 35), Monique Chauvin alias Claudy Sarrouy dans un registre théâtral et politique (Vlog 37), puis nous avons plongé dans l’art avec Luluz à Lodève à La Granède. À chaque étape, une voix singulière, un fragment de notre époque.
🎬 Le récit d’une vie
Ce jour-là, j’ai rendez-vous avec Claudy Sarrouy. Pas Monique Chauvin, son alter ego fantasque, mais Claudy, la vraie. Celle qui est née dans les caves de Roquefort, ouvrière par naissance, comédienne par libération, et engagée par conviction. Pendant plus d’une heure, elle déroule le fil de sa vie, avec franchise, humour, et une mémoire vive comme une scène encore éclairée.
👧 Une enfance entre le bleu du Roquefort et les bottines des patronnes
Claudy naît en 1951, dernière d’une fratrie de quatre filles. Une enfant « en trop », comme elle dit, venue quand ses parents pensaient en avoir fini. Son père, orphelin de guerre, est ouvrier ferblantier ; sa mère, cabanière dans les caves, commence à 13 ans dans les dortoirs réservés aux jeunes filles. Claudy grandit dans une maison ouvrière avec jardin suspendu, les parties de belote en bruit de fond, et les différences sociales bien en vue dès l’école. Elle excelle en classe, mais découvre très tôt le poids des classes sociales.
« J’étais en compétition avec la fille d’un patron. Elle était première, moi deuxième. Et pourtant, je n’avais pas les mêmes cartes. »
🎓 Partir pour mieux comprendre
À l’adolescence, Claudy rêve de quitter les montagnes. Elle se projette dans la couture, part à Bourges dans une école technique… et déchante. Mais c’est là que Mai 68 vient secouer sa vie. Elle découvre Marx, la lutte des classes, la possibilité d’une conscience politique. Elle comprend que ce qu’elle ressentait depuis toujours – cette injustice silencieuse – a des mots, une structure, un combat.
« Le marxisme, c’était une révélation. Enfin, je pouvais penser le monde. »
🎭 Théâtre, clown et assistante sociale
Claudy devient assistante sociale. Parallèlement, elle découvre le théâtre corporel, le mime, puis le clown. Une autre révélation. Elle crée Madame Olive, personnage drôle et piquant, sorte de double cathartique.
Elle écrit, joue, tourne. Sur les planches, elle transforme sa vie en matière artistique. Dans les bureaux, elle aide, accompagne, console. Elle fusionne les deux en créant des spectacles sur le travail social, sur la maternité, sur la société.
« Le théâtre, c’était ma façon de dire ce que je ne pouvais pas toujours dire ailleurs. »
💼 Du service social à l’insertion par le théâtre
Plus tard, Claudy crée des ateliers de théâtre pour des personnes en difficulté. Elle y met toute son énergie, convaincue que la parole, la scène, le jeu peuvent réparer les âmes blessées.
« J’ai vu des gens se transformer sous mes yeux. Le théâtre, c’est puissant, c’est politique, c’est humain. »
🏡 Le retour en Aveyron : recommencer, autrement
Après une première tentative avortée, Claudy revient finalement s’installer à Millau, poussée par l’amour, par sa fille, par une envie de racines. Mais elle avoue ne pas se sentir tout à fait « revenue ». Le temps a passé. Elle reste parisienne dans l’âme, mais s’ancre ici avec douceur, entre ateliers d’écriture, stages de clown, et cafés littéraires.
« Revenir, ce n’est pas revenir en arrière. C’est essayer, malgré tout, de trouver une nouvelle place. »
🎤 Ce que Claudy nous transmet
Son récit, c’est celui d’une génération. D’une femme. D’un combat. Il y a dans sa parole une densité rare. Claudy n’a jamais cessé de chercher. Ni Dieu, ni maître, mais toujours l’humain. Elle incarne cette génération qui a cru au progrès, au théâtre, à la possibilité de se réinventer sans renier d’où l’on vient.
Et puis il y a Monique Chauvin. Ce double comique qui, grâce à quelques vidéos postées sur matetleweb.com, a trouvé une seconde vie. Claudy m’a confié que ces capsules l’ont remise en mouvement. Et maintenant, elle continue. Seule. Avec panache.