
On nous vend l’avenir comme une météo : “ça arrive”, “c’est inévitable”, “préparez-vous”. Dans ce vlog, je prends le contrepied : et si le vrai futur — celui qui décide de notre solidité, de nos choix, de notre capacité à traverser — se jouait d’abord à l’intérieur ?
Synthèse : ce que vous allez trouver dans cet article
- Pourquoi “imaginer l’avenir” est devenu un réflexe anxieux — et comment le reprendre en main.
- Le Vlog #74, ligne par ligne : IA, chômage de masse, précarité, guerre, histoire qui bégaie.
- Mon échange avec Mat : deux échelles du futur (global vs européen) et une fracture qui se dessine.
- La passerelle avec la pensée de Philippe Guillemant : le futur comme trajectoire plus que fatalité.
- Une idée simple mais exigeante : muscler son monde intérieur pour ne pas subir la zone de turbulence.
▶️ Le vlog est ici :
Le futur extérieur : la liste qui fait peur (et qui tourne en boucle)
Le Vlog #74 commence comme un inventaire. Pas un inventaire neutre : un inventaire chargé, presque une litanie, comme si la phrase “l’avenir, c’est…” devait tenir lieu de boussole, alors qu’elle ressemble plutôt à un bulletin d’alerte.
« Aujourd’hui nous allons imaginer l’avenir. »
« L’avenir, c’est la révolution IA. »
« L’avenir, c’est le chômage de masse. »
« L’avenir, c’est beaucoup de précarité pour beaucoup d’humains. »
« L’avenir, c’est toujours plus de guerre pour la domination du monde. »
« L’avenir, c’est l’histoire qui se répète encore et encore. »
Ce passage, je l’assume comme un miroir : voilà ce qu’on entend partout, parfois avec des costumes différents, mais la même musique dessous. Une musique qui hypnotise : elle donne l’impression qu’on “voit clair”, alors qu’on répète surtout ce qu’on redoute.
Et c’est ici que le vlog bifurque : au lieu de s’installer dans la peur — ou de la nier — il pose une question plus dérangeante. Une question qui ne demande pas “quel sera l’avenir ?” mais plutôt : avec quoi allons-nous traverser ?
Herman Hesse : le futur commence par le “sort intérieur”
Pour ouvrir une brèche, j’ai choisi Herman Hesse. Parce qu’il ne parle pas d’un futur technologique, ni d’une géopolitique, ni d’un graphique. Il parle d’une chose que personne ne peut faire à votre place : votre responsabilité intérieure.
« Si le destin extérieur a passé sur moi,
comme sur tous les autres,
inévitablement décrété par les dieux,
mon sort intérieur, lui, a pourtant été mon œuvre propre,
sa douceur ou son amertume m’appartient,
et j’estime devoir en assumer seule la responsabilité. »— Herman Hesse
Ce texte agit comme un révélateur : on peut discuter longtemps du destin extérieur… mais le “sort intérieur”, lui, se travaille. Et ça change tout, parce que c’est souvent là que se décide la suite : pas dans les annonces, mais dans la façon dont on réagit, dont on tient, dont on choisit.
La question pivot : « C’est quoi, pour vous, votre monde intérieur ? »
J’ai voulu que Mat formule la question de la manière la plus simple possible, presque naïve. Parce que le monde intérieur, on le croit évident… jusqu’au jour où l’extérieur se durcit.
« C’est quoi, pour vous, votre monde intérieur ? »
Et là, on change de terrain. On sort du débat “qui a raison sur l’avenir” pour entrer dans un champ plus intime, plus concret aussi : qu’est-ce qui vous habite ? Qu’est-ce qui vous tient debout quand les récits officiels se contredisent, quand les promesses se dégonflent, quand l’époque sature ?
Le pseudo-entretien : deux futurs superposés… et une fracture européenne
Quand Mat me contacte, je réponds sans chercher l’équilibre artificiel. Je dis ce que je pense, à deux échelles.
À l’échelle globale, je garde une intuition de futur “prometteur” : pas parce que tout ira bien, mais parce que l’humanité n’a jamais été aussi proche d’un basculement de conscience, de technologie, de recomposition. Il y a des menaces — énormes — mais il y a aussi des portes. Le futur global ressemble à une bataille entre l’ombre et une possibilité de maturité.
À l’échelle occidentale / européenne, je suis plus sombre. J’évoque une Europe fragilisée, une France “du mauvais côté de la barrière”, le sentiment d’un déclassement historique, et la tentation de regarder vers l’Asie comme centre de gravité des prochaines décennies.
« Le futur est très prometteur… mais à l’échelle occidentale ou européenne… le futur est plutôt sombre. »
On peut être en désaccord avec ce diagnostic. Mais l’important, ici, ce n’est pas de gagner un concours de prévisions. C’est ce qui arrive juste après : le moment où la conversation cesse d’être une carte du monde… et devient une carte de survie.
La bascule : le monde intérieur comme facteur décisif
Je le dis dans le vlog de manière très directe : si l’extérieur se durcit, l’intérieur devient le différenciateur. Pas un refuge “New Age” qui te ferait oublier le réel. Un outil, au contraire, pour ne pas te faire broyer par lui.
« Si vous avez un monde intérieur riche, vous allez avoir la possibilité de passer tous ces moments difficiles, plus ou moins bien.
Si par contre, votre monde intérieur, vous ne l’avez pas cultivé… là, ça ne sera pas la même. »
Le mot “cultiver” est crucial. Il suppose du temps, de l’attention, des gestes répétés. Il suppose aussi une chose qu’on oublie dans les débats : le monde intérieur n’est pas automatique. Il peut s’appauvrir. Il peut se contaminer. Il peut devenir un champ de ruines — ou un jardin qui résiste.
La passerelle Guillemant : le futur comme trajectoire, pas comme mur
Dans les transcriptions autour de Philippe Guillemant, une idée revient : le futur ne serait pas un bloc qui nous tombe dessus, mais un ensemble de possibles qui se reconfigurent selon nos choix, nos intentions, notre manière d’habiter le présent. Dit autrement : le futur serait moins une fatalité qu’une navigation.
Cette perspective m’intéresse pour une raison simple : elle redonne une place à la responsabilité sans nier l’incertitude. Elle ne dit pas “tu contrôles tout”. Elle dit plutôt : tu influences ta trajectoire.
Et si on assemble ça avec Hesse, on obtient une articulation redoutable :
- Le destin extérieur nous traverse (crises, mutations, chocs).
- Le sort intérieur se travaille (attention, intention, lucidité, capacité à choisir).
- Ce travail intérieur n’est pas un luxe : c’est une condition de trajectoire.
Ce que j’appelle “futur intérieur”, ce n’est donc pas un slogan : c’est l’endroit précis où l’époque tente de te prendre, et où tu peux encore reprendre la main.
“Futur intérieur” : ce n’est pas fuir le monde, c’est arrêter de lui appartenir
On confond souvent intériorité et retrait. Comme si se tourner vers soi signifiait fermer les yeux. C’est l’inverse que je défends ici.
Le monde intérieur, c’est la salle des machines. C’est là que se fabriquent :
- ta capacité à distinguer information et manipulation,
- ta résistance au cynisme et à la panique,
- ton courage de bifurquer, même petit, même local,
- ta faculté à rester humain quand tout pousse à devenir un réflexe.
Dans une époque saturée d’alertes, d’écrans et de polémiques, cultiver le monde intérieur, c’est reprendre l’hygiène de l’attention. C’est décider ce qui entre chez toi. C’est refuser d’être une porte ouverte au vacarme.
Quelques pistes concrètes : cultiver un futur intérieur (sans s’inventer une bulle)
- Réduire la dose : moins de flux, moins d’algorithmes, plus de silence. Le silence n’est pas vide : c’est un espace de tri.
- Lire lentement : un livre, un vrai. Pas pour fuir, pour déployer la pensée.
- Revenir au corps : marche, respiration, nature. Le corps est un antidote à la panique abstraite.
- Retisser du réel : un voisin, une association, un geste utile. Le réel n’est pas “moins grand” que le monde : il est plus solide.
- Écrire : même quelques lignes. Écrire, c’est arrêter de réagir et recommencer à penser.
Ce ne sont pas des solutions miracles. Ce sont des ancres. Et parfois, une ancre suffit à éviter de dériver.
Conclusion : le secret du futur se cache peut-être… là où personne ne regarde
Je termine le vlog sur cette phrase volontairement simple, presque provocatrice :
« Le secret de notre futur se cacherait dans notre monde intérieur. »
Si elle vous agace, tant mieux : ça veut dire qu’elle touche un nerf.
Si elle vous parle, tant mieux aussi : ça veut dire que vous sentez qu’il y a une bataille invisible — une bataille pour l’attention, pour la lucidité, pour la capacité de choisir.
Et c’est là que je vous laisse, comme on éteint la lumière d’une scène sans fermer le théâtre :
« Ici s’achève le vlog 74. N’hésitez pas à lire l’article qui accompagne ce vlog. »
« Je vous remercie de votre écoute et vous dis à la prochaine fois. »
« Et l’aventure continue sur matetleweb.com. »
Et vous ? Quand vous dites “avenir”, vous parlez d’un horizon extérieur… ou d’un espace intérieur à construire ?
